samedi 3 août 2013

Iran:Objectif Paix


IRAN:OBJECTIF PAIX







Le Consensus anti-iranien



La question iranienne est une des rares questions sur lesquelles les pays arabes,Israël et l'Occident parviennent à trouver un consensus. Ces trois entités voient en effet en la République islamique une menace pour leur sécurité respective-en particulier du fait du programme nucléaire iranien que Téhéran dit vouloir« à des fins civiles »-et tous souhaitent,à long terme,un changement de régime à Téhéran. 

Certes,si l'Iran et les pays arabes appartiennent tous deux au monde musulman,des différences fondamentales subsistent entre ces deux « sous-ensembles » de la civilisation musulmane,en particulier sur les plans culturel (clivage perse/arabe) et confessionnel:les iraniens sont chiites tandis que la majeure partie des pays de la Ligue Arabe- exceptions faites de la Syrie de Bachar El Assad et de l'Irak du premier ministre El Maliki- est dirigée par des sunnites,confession la plus représentée au sein des populations arabes sauf au Liban,en Irak et à Bahreïn.
Ainsi,les Arabes entretiennent et ont-il toujours entretenu des rapports pour le moins houleux avec l'Iran y compris à l'époque du Chah Mohammed Reza Pahlavi,qui menait une politique ouvertement pro-occidentale et pro-israélienne. 

La Révolution islamique de 1979,guidée par l'Ayatollah Ruhollah Khomeini ne va pas pour autant changer la donne. En effet,dès lors,les monarchies arabes du Golfe craignent un soulèvement de leurs minorités chiites dans le prolongement de la Révolution khomeyniste. Pour le président irakien Saddam Hussein,un sunnite arrivé au pouvoir la même année suite à un coup d'état fomenté contre son cousin Al Bakr,la menace iranienne est double :confessionnelle et idéologique.Non seulement,la révolution pourrait s'étendre aux chiites d'Irak-60% de la population-mais elle menacerait également la base laïque du régime baasiste irakien. C'est ainsi que débute en 1980 la guerre Iran-Irak qui débouchera sur un statu quo ante bellum en 1988. Le gouvernement de Bagdad,soutenu par les monarchies du Golfe et les Occidentaux,aura néanmoins réussi le pari de contenir la révolution iranienne. 

Le renversement de Saddam Hussein en 2003 suite à l'invasion américaine va conforter la position de l'Iran dans la région. Téhéran devient de facto le dernier rempart face au géant américain et à Israël,ce qui lui permet de gagner les faveurs de la rue arabe,une rue arabe de plus en plus critique à l'égard de ses propres dirigeants qu'elle accuse d'une trop grande complaisance envers «l'entité sioniste » et les gouvernements occidentaux,allant même jusqu'à les traiter de « traîtres » et de « collaborateurs ». 

Israël se sent,à cet égard,également menacé par l'Iran-pays avec lequel elle avait pourtant entretenu d'excellentes relations à l'époque du Chah,notamment dans le domaine de la coopération militaire: rappelons que le régime des Pahlavi a fortement approvisionné Israël en pétrole suite à la Guerre des Six jours remportée par Tsahal en 1967 et que l'Iran a été le second pays à majorité musulmane-après la Turquie-à avoir reconnu la souveraineté de l'État hébreu peu après sa création en 1948. Ce-dernier invoque le danger que représente la République islamique pour sa sécurité en se référant au soutien prodigué par Téhéran à des entités hostiles: République Arabe Syrienne,Hezbollah libanais ou encore Hamas palestinien. Par ailleurs, Tel-Aviv ne manque pas de reprendre les propos de l'ancien président iranien Mahmoud Ahmadinejad qui avait déclaré en 2005,année de son élection,qu'il adhérait entièrement aux propos de l'Imam Khomeini,citons: « ce régime qui occupe Jérusalem doit disparaître de la page du temps » phrase souvent rapportée-volontairement ou par malentendu- sous la forme « Israël doit être rayé de la carte ». Pour le gouvernement israélien d'ajouter que l’Iran continue de servir de plate-forme intellectuelle à des écrivains négationnistes et révisionnistes comme le français Robert Faurisson ou l'historien américain David Duke. En conséquence,une hypothétique acquisition de l'arme nucléaire par l'Iran représenterait un drame pour les responsables israéliens. 

Enfin,la théocratie iranienne est également perçue comme une menace par les Occidentaux,à commencer par les Américains.
Le règne du Chah avait pourtant placé les relations entre les deux pays sous le sceau de l'amitié et de la coopération. L’Iran avait adhéré dès 1955 au pacte de Bagdad- une sorte de ramification moyen-orientale de l'OTAN- qui visait à endiguer l'influence soviétique dans la région. La Maison Blanche comptait également faire de l'Iran le garde-fou de la puissance américaine au Moyen-Orient aux côtés d'Israël :les deux pays,de par leur position stratégique,-car situés aux deux extrémités géographiques de la région-devaient en effet jouer un rôle majeur dans le cadre de la politique régionale de containment. Ce positionnement leur permettait d'encercler les régimes baasistes de Hafez El Assad en Syrie et de Ahmed Hassan El Bakr en Irak,qui présentaient de « dangereux symptômes » de rapprochement avec l'URSS;citons entre autres,pour l'Irak,la signature du traité d'amitié irako-soviétique en 1972 ou la nationalisation du pétrole irakien la même année.


Les relations entre Washington et Téhéran se dégradent néanmoins rapidement avec Révolution iranienne de 1979 tandis que l'épisode de la prise d'otages de l'ambassade américaine rompt brutalement les relations diplomatiques entre les deux pays. L'extrême tension des rapports irano-américains se manifeste d'ailleurs à travers la rhétorique véhémente dont usent les deux parties: tandis que le discours officiel iranien assimile l'Oncle Sam au « Grand Satan »,le président George W. Bush a de son côté rangé l'Iran au sein des pays de « l'Axe du mal » dans son discours sur l'état de l'Union du 29 janvier 2002. L'épineux dossier du programme nucléaire iranien a également revigoré les tensions entre les Occidentaux et l'Iran,entraînant même un durcissement des sanctions économiques en 2010.
Cette résurgence des tensions est elle-même liée aux multiples enjeux du dossier nucléaire iranien pour Washington et ses alliés du vieux continent : respect du principe de « non-prolifération »,prestige et crédibilité sur la scène internationale ou encore défense de partenaires stratégiques au Moyen-Orient,en l'occurrence les pétromonarchies du Golfe,la Turquie et surtout Israël.


De surcroît,le contentieux iranien n'est pas exempt de considérations d'ordre civilisationnel. En effet,les Américains brandissent la menace que représente le régime des mollahs pour les valeurs du « monde libre » et de la civilisation occidentale :liberté individuelle,démocratie,droits de l'homme,etc.

Ainsi,malgré d'importantes divergences dans les intérêts,dirigeants arabes,israéliens et américains s'accordent sur le danger représenté par l'Iran: tous ont intérêt à faire tomber « l'ogre persan » ou à l'affaiblir tout au moins. 

Il convient toutefois de s'intéresser aux chiffres et aux faits de la « menace iranienne »;deux problématiques apparaissent dès lors : Quel est le poids militaire réel de Téhéran ? La menace iranienne n'est-elle pas exagérée par nos médias et gouvernements ?



Du poids géostratégique réel de l'Iran: entre propagandes et réalités




Les discours alarmistes des dirigeants israéliens et occidentaux,couplés au battage médiatique sur l'imminent danger représenté par le gouvernement théocratique de Téhéran,viennent souvent recouvrir les réalités,chiffres et manifestations du rapport de force Occident-Iran.En effet,ce-dernier est pour l'instant globalement-pour ne pas dire largement-favorable aux états occidentaux et à leur allié de Tel-Aviv. Par analogie,la position des occidentaux et des israéliens rappelle à bien des égards celle qui prévalait à la veille l'Opération Desert Storm de 1991 vis-à-vis de l'Irak:le secrétaire américain à la Défense de l'époque,le très néo-conservateur Dick Cheney,présentait alors l'armée irakienne comme "La quatrième armée au monde"...


Les armées de l'OTAN et Tsahal disposent tout d'abord d'une avancée technologique considérable sur l'Armée de la République Islamique. Ajoutons à cela le gouffre béant qui sépare les Etats Membres de l'OTAN de l'Iran en ce qui concerne le budget consacré à l'armée: 1000 milliards de dollars contre 10 milliards seulement pour Téhéran. Relevons d'ailleurs que trois des Etats membres de l'OTAN-en l'occurence la France,le Royaume-Uni et les Etats-Unis-plus Israël disposent de l'arme nucléaire ce qui n'est en revanche pas le cas de Téhéran. Par ailleurs,une analyse des données géopolitiques de la région permet rapidement d'écarter toute hypothèse d'utilisation de l'arme nucléaire par le régime islamique contre l'État hébreu,bien au-delà des déclarations controversées des responsables iraniens. Les Israéliens disposent de plus de 200 missiles nucléaires;par conséquent,en cas d'emploi de l'arme suprême contre Tel-Aviv,la réaction israélienne serait encore plus dévastatrice et ce serait l'Iran qui serait in fine rayé de la carte avant même que les premiers missiles iraniens n'atteignent le sol israélien. En outre,Les dirigeants iraniens sont conscients que l'annihilation d'Israël par l'arme nucléaire impliquerait inéluctablement de très graves répercussions sur la Palestine... Autre élément,l'US Army dispose d'un réseau de plus de 40 bases à la périphérie du territoire iranien (voir carte ci-dessous): en Turquie,en Asie Centrale,dans le Golfe,en Afghanistan,au Pakistan et en Irak. De sucroît,la perspective d'une chute du régime de Bachar El Assad en Syrie- même si celle-ci semble de moins en moins probable compte tenu de la tournure prise par les événements en Syrie mais aussi de la popularité dont jouit le président Assad auprès de son peuple (70% d'avis favorables selon une enquête réalisée par l'OTAN)- achèverait de compléter l'encerclement du territoire iranien par les Etats-Unis. Aussi,l'hypothèse d'un changement de régime à Damas assénerait-elle un coup fatal à l'influence iranienne dans la région: le puissant croissant chiite Iran-Syrie-Hezbollah serait dès lors coupé,isolant ainsi le Hezbollah et le privant du soutien logistique,militaire et financier du gouvernement iranien qui jadis transitait par la Syrie. Le "Parti de Dieu" deviendrait alors plus vulnérable aux yeux d'Israël.




 Carte des bases militaires américaines au Moyen-Orient




L'exégèse des rapports de force diplomatiques dresse également un diagnostic défavorable pour l'Iran. Si un certain statu quo entre membres permanents semble prévaloir au Conseil de sécurité de l'ONU avec d'un côté un bloc Atlantiste constitué de la France-qui a renoué avec l'Atlantisme sous la présidence Sarkozy-,du Royaume-Uni et des États-Unis,et de l'autre un contre-bloc russo-chinois,la situation se révèle beaucoup plus complexe dans le cas iranien. En effet,une intervention militaire de l'Oncle Sam- même unilatérale- pour protéger son allié israélien est historiquement et stratégiquement concevable et plausible. En revanche,il serait fort moins probable que Moscou ou Pékin fassent de même pour protéger leur partenaire iranien. En effet,si la Chine joue la carte de la discrétion sur la scène internationale le temps de consolider son envergure sur le plan économique,le Kremlin ne souhaite pas raviver les tensions avec la Maison Blanche même si la présence de bases militaires russes dans le Caucase pourrait lui permettre une riposte militaire rapide.Une telle décision de Moscou mènerait très certainement à l'escalade,les États-Unis n'étant pas enclins à mettre en péril leur prestige et leur crédibilité sur la scène internationale car hantés par la peur du déclin de l'hyperpuissance américaine. Encore une fois,la conjoncture est loin d'être favorable à Téhéran.  
En réalité,l'Iran ne semble pas représenter une menace pour Israël et encore moins pour l'Occident. L'analyse des différents rapports de force permettrait même d'affirmer que l'Iran est plus menacé par ces-derniers qu'elle ne les menace. C'est plutôt l'idée d'un nouvel équilibre stratégique avec une autre puissance régionale au Moyen-Orient qui inquiète réellement le gouvernement de Tel-Aviv. 

Néanmoins,si la menace iranienne est globalement surestimée par les responsables européens,américains,israéliens et arabes,il convient de rappeler que l'acteur iranien ne doit pas être sous-estimé. En effet,la République islamique s'est désormais hissée au rang de pièce maîtresse sur l'échiquier moyen-oriental et cette dernière dispose d'une aura considérable au sein des populations musulmanes de la région. Des négociations et l'ébauche d'une normalisation des rapports avec l'Iran s'imposent dès lors. Elles permettraient,d'une part,d'atténuer les tensions dans cette région habituellement surnommée "la poudrière du monde" et,d'autre part,de redorer l'image de marque de l'Oncle Sam auprès de l'opinion arabo-musulmane,image fortement ternie d'abord par l'interventionnisme forcené de l'Administration Bush,puis par l'inconstance de l'Administration Obama.


La Diplomatie plutôt que la Force



L'échec de la Guerre d'Irak de 2003 n'a pas manqué de déceler les limites de la politique étrangère interventionniste et unilatérale défendue par le brain trust néo-conservateur de l'ancien président G.W Bush. Si l'opération Iraqi freedom s'est avérée un succès pour les États-Unis et a conduit au renversement du régime de Saddam Hussein et à la capture de ce dernier suite à l'opération Red Dawn,l'objectif à long terme d'assurer la stabilité en Irak n'a pas été achevé par l'administration américaine et,depuis le retrait des troupes américaines en 2011,le gouvernement irakien peine à affirmer son autorité sur l'ensemble territoire. En effet les forces gouvernementales éprouvent des difficultés à pacifier le pays face à "la guérilla irakienne",un ensemble hétéroclite de groupes insurgés indépendants entre eux- voire même antagonistes dans certains cas- hostiles au gouvernement installé par la coalition anglo-américaine,à tel point que l'Irak figure parmi les 16 états faillis en "situation critique" selon le Failed States Index de la revue Foreign Policy. Pis encore pour le Pentagone,le reversement du régime à dominante sunnite de Saddam Hussein a conduit à l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement pro-chiite - et par conséquent proche du régime iranien- dirigé par le Premier ministre Nouri Al Maliki,en témoigne l'engagement discret des forces armées irakiennes aux côtés des troupes loyalistes du président Assad. En éradiquant le régime baasiste,les américains ont donc,malgré eux,fait le nid d'un arc chiite étendu Iran-Syrie-Hezbollah auquel viendrait désormais se greffer l'Irak."Ne lance pas la flèche qui se retournera contre toi",disait un vieux proverbe kurde...


Les responsables militaires américains semblent avoir tiré les enseignements du fiasco irakien. C'est du moins ce que les décisions successives de l'Administration Obama laissent supposer:décision de ne pas intervenir directement en Libye en 2011,réserve dans la gestion de la crise syrienne,nomination de l'atypique sénateur républicain Chuck Hagel-qui avait dénoncé l'influence des lobbys sionistes dans la politique étrangère américaine-au poste de Secrétaire à la défense. L'option militaire serait donc peu envisageable compte tenu du chemin emprunté par le Département d'État et le Pentagone sous la présidence de Barack Obama.


En plus d'être peu probable,une hypothétique intervention militaire en Iran serait désastreuse et ne contribuerait qu'à amplifier les tensions. Certes l'US Army remporterait une écrasante victoire sur l'armée iranienne,le régime théocratique serait destitué et ses principaux dignitaires subiraient peut-être le même sort que leurs homologues irakiens. Néanmoins,les conséquences à long terme d'une telle action seraient désastreuses. Premièrement,Moscou ne verrait très certainement pas d'un bon oeil la présence de bases militaires américaines à proximité du Caucase,région hautement stratégique sous influence militaire russe,ce qui compléxifierait davantage les relations bilatérales russo-américaines et pourrait semer les germes d'une "Seconde Guerre froide". Deuxièmement,la Chine,qui entretient d'excellentes relations commerciales avec l'Iran,notamment dans le domaine énergétique,pourrait arrêter de financer la dette colossale contractée par le Trésor américain,déclarant ainsi une guerre économique aux États-Unis. Troisièmement,l'Oncle Sam ne ferait qu'amplifier la haine des populations musulmanes à son égard et,ce faisant,la prophétie d'un "Choc des civilisations" entre monde occidental et monde musulman,émise par Samuel Huntignton, deviendrait de plus en plus inéluctable. En outre,la rancoeur du monde musulman à l'égard des américains pourrait se manifester,dans les cas les plus extrêmes par des actes terroristes impliquant dès lors une réaction du monde occidental;le monde s'embourberait dans un cercle vicieux: la War on Terror initiée par Bush fils aurait alors l'effet inverse de celui escompté. La superposition de ces facteurs conduirait même,à très long terme,à l'émergence d'un monde bipolaire: d'un côté le monde occidental,de l'autre l'alliance orthodoxo-islamo-confucéenne,confirmant l'hypothèse du professeur Huntington.


Eviter un conflit en Iran apparait donc comme primordial au vu des conséquences que pourrait engendrer une attitude belliqueuse de la part des pays occidentaux et de leur allié israélien. Il convient cependant de pas se montrer passif vis-à-vis du régime iranien afin de ne pas s'enfermer dans une nouvelle politique d'Appeasement comme celle menée par le Premier Ministre Chamberlain dans les années 1930. Ce parallèle n'implique en aucun cas une analogie entre les régimes iranien et nazi. Bien au contraire,c'est justement parce-que le régime iranien reste malgré tout un régime semi-démocratique qu'il est possible de dialoguer. Pour ce faire,l'Occident se doit en premier lieu d'effectuer une retrospection de sa politique au Moyen-Orient afin de comprendre son impopularité généralisée dans la région. Les occidentaux et le "Gendarme du monde" américain n'ont-il pas littéralement fait preuve de schizophrénie au Moyen-Orient au cours des cinquante dernières années en fermant les yeux sur les exactions commises par l'armée israélienne en Palestine tout en dénonçant le massacre de 5000 villageois kurdes par l'armée irakienne à Halabja en 1988 ? en soutenant des mouvements islamistes pour contrer la montée du Nationalisme arabe ou lutter contre l'expansionnisme soviétique,avant de dénoncer l'Islamisme comme nouvelle "menace globale" au lendemain de la chute du mur ? Les puissances occidentales n'ont-elle pas allègrement négligé les intérêts des populations moyen-orientales,et ce dès la période coloniale,à coups de provocations-comme la déclaration Balfour de 1917- ou de promesses non-tenues comme celle qui consistait en la création d'un Grand Royaume Arabe en l'échange de la participation des tribus nomades d'Arabie à la lutte contre l'Empire Ottoman ? C'est cette accumulation d'affronts envers les populations du Moyen-Orient qui est à l'origine de la rancoeur éprouvée par ces-derniers vis-à-vis de l'Occident,rancoeur elle-même à l'origine de la montée de l'anti-américanisme le plus radical aujourd'hui incarné par l'Islamisme. Ainsi,le camp occidental se doit-il de faire son mea culpa afin de sortir de la vision manichéenne du monde dans laquelle il s'est enfermé au lendemain du 11 Septembre,ce qui constitue la condition sine qua non d'un dialogue des civilisations,lui-même indispensable à la paix.
 

Toujours sur le plan moral,l'Occident doit adopter une attitude moins offensive vis-à-vis du programme nucléaire iranien,qui,il faut le rappeler,se veut avant tout à usage civil. Par ailleurs,quand bien même la République islamique souhaiterait se doter de l'arme atomique,il convient de passer en revue les données géopolitiques qui pourraient la pousser à aller dans ce sens: Comment peut-on négocier en négligeant les intérêts de son interlocuteur ? L'Iran dispose d'arguments convaincants à cet effet: la proximité géographique de deux états proliférateurs et alliés des Etats-Unis-Israël et le Pakistan-ou encore le fait que l'Iran soit entouré de bases militaires américaines. Un éventuel programme nucléaire permettrait-il ainsi à Téhéran de sanctuariser son territoire,ce qui est tout à fait louable. Faut-il pour autant faire confiance au régime iranien ? Cette question est cruciale et ne saurait être résolue en un court laps de temps. Il convient toutefois de rappeler que pendant très longtemps,Soviétiques et Américains ont oeuvré pour enrayer les programmes nucléaires chinois et français estimant que ni De Gaulle ni Mao n'étaient assez dignes de confiance pour détenir l'arme suprême. Une sorte d'Ostpolitik-comme celle menée par Willy Brandt vis-à-vis de la RDA- ou de Sunshine Policy-à l'image de la politique de rapprochement entre les deux Corées menée par l'ancien président du Sud Kim Dae Jung entre 2000 et 2008-serait ainsi souhaitable dans le cas de l'Iran.


Si les décisions politiques sont fondamentales,d'autres initiatives,d'ordre économique par exemple,peuvent jouer un rôle de catalyseur dans le processus de paix. Le philosophe allemand Emmanuel Kant soutenait en effet,dans son Projet de paix perpétuelle (1795),que le développement des relations commerciales entre nations favorisait l'entente entre celles-ci. Un rapprochement économique avec l'Iran serait hautement bénéfique tant pour les Occidentaux que pour Téhéran. Pour ce faire,des efforts de coopération doivent être entrepris des deux côtés. Côté occidental,un allègement progressif des sanctions économiques pesant sur l'Iran s'impose et pourrait débuter par l'abrogation du D'Amato-Kennedy Act de 1996 qui vise à sanctionner économiquement les « rogue states »,ou « états voyous »- terminologie que l'establishment américain se devrait de bannir s'il souhaite réellement s'engager dans la voie de la paix. Côté iranien, une ouverture économique à l'occident s'impose: le succès fracassant du modéré Hassan Rohani aux dernières élections présidentielles constitue une chance à saisir pour les partisans de la paix en Europe et aux États-Unis. De surcroît, une telle politique d'ouverture permettrait de relancer une économie iranienne asphyxiée par des années de sanctions,renforçant ainsi le prestige des camps réformateur et modéré incarnés par Rohani,Rafsandjani ou encore l'opposant Mir Hossein Moussavi,sur la scène politique iranienne.


Enfin,un règlement de l'épineux problème israélo-palestinien s'impose dans la perspective de meilleurs rapports avec l'Iran et le monde musulman. Cette question polémique reste néanmoins extrêmement délicate à gérer. En effet,l'influence des lobbys sionistes et évangélistes sur la politique étrangère de l'Empire américain semblent empêcher un changement de cap dans la politique de l'Oncle Sam vis-à-vis de ce que beaucoup appellent « Le 51ème état des États-Unis » . De son côté l’État hébreu nourrit une crainte légitime: celle que de nouveaux accords de paix ne soient exploités à des fins vindicatives par certains groupes armés palestiniens,comme ce fut le cas à la suite de la signature des accords d'Oslo en 1993. Il y a néanmoins un principe que Palestiniens et Israéliens doivent impérativement intégrer : tant que leurs relations bilatérales resteront guidées par la loi du Talion,toute tentative d'instaurer une paix durable sera vouée à l'échec...


Bilan



C'est un fait: la République islamique d'Iran fait désormais partie intégrante du cercle très restreint des puissances géostratégiques au Moyen-Orient. De ce fait,l'ébauche d'un processus de paix dans la région ne saurait se faire sans la participation du gouvernement de Téhéran. Le régime iranien n'est certes pas exempt de tout reproche au vu des nombreuses violations des droits de l'homme dont il est à l'origine. Il faut néanmoins rappeler que l'Iran constitue,au vu de ses institutions,le troisième état le plus démocratique de la région après Israël et la Turquie et que les sacro-saints Droits de l'Homme y restent mieux respectés que dans des pays comme l'Arabie saoudite,pourtant grand allié des États-Unis depuis le pacte du Quincy signé en 1945.

Des négociations semblent donc possibles et seraient bénéfiques pour les deux camps. Celles-ci revêtent également un caractère décisif dans l'aboutissement du processus de paix au Moyen-Orient: si elles réussisent,elles pourraient relancer un dialogue des civilisations ô combien nécessaire à l'entente entre monde occidental et monde musulman. En revanche,si elles échouent,l'humanité ferait alors un grand pas en avant...vers une Troisième Guerre mondiale.